A+268 Dis-play
Octobre Novembre 2017
Édito
Lisa De Visscher & Cécile Vandernoot - Rédactrice en chef & éditrice invitée
Dans une récente interview1, Willem Jan Neutelings s’accorde à dire que « l’intégration d’une œuvre d’art permet aux personnes qui l’appréhendent d’entrer en relation avec un bâtiment. Ce qu’une tour en verre rend impossible. On ne peut également que difficilement développer une relation avec un mur blanc. Celui-ci dit : ‘je ne suis pas là’. Cela donne un sentiment d’irréel. »
S’interroger sur la coexistence des arts plastiques ou toute forme de décoration à l’architecture mène à un constat : les hommes ont sans doute depuis toujours décoré leur habitat, leur palais, leur lieu de culte, leur lieu de rassemblement pour l’humaniser et donner au bâti un cachet particulier. L’art est moins un faire-valoir de l’architecture qu’un achèvement, qu’un parachèvement de celle-ci, qui la transcende. La difficulté de donner une définition du mot art entre néanmoins en ligne de compte, le terme venant de l’Occident à l’époque de la Renaissance. Au départ, on parle de tekhne chez les Grecs, qui désigne l’art mais aussi l’artisanat, et ars, chez les Romains, qui désigne le travail, la profession, les corporations. Ce rapport entre art et architecture reste fondamental.
Le sujet et ses enjeux reviennent régulièrement sur la table de la rédaction : A+133 en 1995 et A+195 en 2005. L’actualisation du décret relatif à l’intégration d’œuvres d’art en cours de modification dans les deux Communautés offrait une nouvelle raison en or pour développer ce numéro. La majeure partie des contributions – In the picture, Zoom out, Fondements, Guest – qui le forment s’expose pour ainsi dire au thème dis-play et s’attache à mieux déceler la diversité des cas de figure et des enjeux politiques, sociaux, sociétaux et culturels que revêt cette praxis.
Sans prétention aucune de revenir aux prémices historiques de la pratique de l’intégration, A+ a confié à Louis de Mey un état des lieux relatif aux cadres légaux à Bruxelles, en Flandre et en Wallonie initiant les intégrations d’œuvres d’art à l’espace public ainsi que dans les bâtiments publics. L’art par rapport à l’architecture a davantage la capacité d’inciter les publics à réfléchir et à débattre de thèmes quotidiens et sociétaux, conclut-il. Cette prédisposition n’évacue pas pour autant l’aspect coercitif des décrets, la complexité des procédures, la contrainte financière pour un maître d’ouvrage, la question de l’intérêt d’une intégration dans certains programmes, l’importance d’un entretien régulier ou la finalité désirée d’une œuvre qui se voit chargée, parfois malgré elle, de rôles délicats : médiation, communication, éveil.
Les interventions in situ transforment l’environnement quotidien mais sont constamment mises à l’épreuve dans l’espace public. C’est l’occasion de rencontrer trois artistes de générations différentes qui pratiquent l’intégration comme forme d’art : Valérie Mannaerts, Richard Venlet et Jean Glibert dont le travail inscrit depuis cinquante ans dans l’espace et l’architecture est actuellement exposé au Palais des Beaux-Arts. Tous les artistes ne sont toutefois pas taillés pour l’intégration et tous les architectes n’en sont pas friands. Pas d’association artistique par exemple dans la démarche de RCR (Pritzker 2017) interviewé dans Zoom in. Est-ce révélateur ? La question sera posée à Carme Pigem lors de sa conférence le mardi 21 novembre au Bozar.
A+ a également laissé carte blanche à Raymond Balau, critique d’art et d’architecture, qui livre un texte sur l’espace urbain et l’anachronisme de sa représentation. Enfin, la sélection de quatre grands projets – clamant la nécessité d’adapter les cadres légaux et d’accorder plus de souplesse pour favoriser l’innovation – laisse entrevoir d’autres possibles. Ainsi salue-t-on l’aplomb de Neutelings-Riedijk pour parvenir à doter d’œuvres d’art les nouveaux bureaux du Centre administratif flamand à Bruxelles, l’inextricable intervention plastique et architecturale de Simon Boudvin et de V+ pour le musée du Folklore à Mouscron, la participation des publics dans le projet du quartier Tondelier à Gand et la ligne de conduite des structures qui se sont succédé et ont assuré le commissariat d’une incroyable « galerie d’art » en souterrain, dans le métro bruxellois. Ces cas exemplaires démontrent que l’espace commun reste un terrain qu’il faut peupler d’idées, nourrir de sens et pour lequel il faut pouvoir guerroyer.
1 BRUZZ du 20/09/2017, p. 14, interview de Willem Jan Neutelings par Laurent Vermeersch.
Sommaire
Édito Lisa De Visscher et Cécile Vandernoot
In the picture
L’art de construire Aslı Çiçek
De la figure au fond Phineas Harper
Construit avec soin Pieter T’Jonck
Le doute des molécules Anne-Laure Iger
Villa Logica Joep Gosen
Zoom in
Interview RCR Arquitectes : « Du sacré dans le quotidien » Elodie Degavre
Fondements
Accordons les violons Louis De Mey
Poésies de la transformation Carlo Menon
Ségrégation ou cohésion Chris Keulemans
Art public souterrain Cécile Vandernoot
Introduire la couleur dans l’espace Anaël Lejeune
L’art du contexte Pieter T’Jonck
Espace urbain Raymond Balau
Guest
Intégration d’oeuvres d’art : Momentum Cécile Vandernoot en collaboration avec la Cellule architecture de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Zoom out
Paysage métropolitain – Biennale d’architecture de Bordeaux Lisa De Visscher
Fabriquer l’urbain Léone Drapeaud
Meesterproef 2017 – Patrimoine et réaffectation Gitte Van den Bergh
Au fil de l’histoire –Biennale d’architecture de Chicago Aslı Çiçek
Une maison pour l’esprit Gitte Van den Bergh
Student
Nik Vandewyngaerde
Marie Moors
Chiara Colombi