Inventaire orienté vers

Depuis sa genèse, la collection des « Inventaires Architectures Wallonie-Bruxelles » s’est imposée comme un arrêt sur image réflexif important d’une culture architecturale qui continue de se construire en Belgique francophone. Ce travail en cours justifie la dimension expérimentale de chaque édition, confiée à une équipe de commissaires spécifique.

À chaque parution donc, l’« Inventaires » se réinvente, explore des tons, cherche son public aussi. Là où ses deux prédécesseurs exploraient l’ouverture des questions d’architecture à un public élargi, l’Inventaires #4 s’oriente plus explicitement sur les démarches émergentes, les questions de gouvernance et la politique culturelle de l’architecture. Un choix logique pour ce premier « Inventaires » édité sous la direction de l’Institut culturel d’architecture Wallonie-Bruxelles (ICA-WB) fondé fin 2019. Le sous-titre, « Vers une démarche architecturale générative » annonce d’emblée que nous ne sommes pas ici devant un catalogue. Au détriment d’une exhaustivité prétendument neutre, l’Inventaires #4 a souhaité récolter des « réponses pertinentes aux enjeux sociétaux et environnementaux actuels » et garantes d’un « cadre de vie bienveillant dans la société actuelle caractérisée par le risque et les limites». L’ambition est claire: si le monde est en crise, il nous faut aller chercher activement celles et ceux qui explorent. Rien d’étonnant à y trouver rassemblée une production de grande qualité et protéiforme, de l’édifice au processus, et toujours focalisée sur la dimension collective de l’architecture.

Au-delà des 33 propositions reprises dans l’ouvrage, ce sont bien 124 réponses qui ont été retenues, l’intégralité étant consultable en ligne sur le site de l’ICA-WB. L’articulation entre un inventaire en ligne et un ouvrage publié permet à ce dernier de se focaliser sur la formulation d’un propos. Le comité de rédaction a ainsi identifié dans les réponses reçues six thèmes d’actualité. Chacun introduit par un essai d’auteurs invités qui s’approprient le sujet et construisent un récit critique, précis mais accessible, mobilisant des productions reprises dans l’Inventaires sans attitude promotionnelle ou apologétique.

L’accent de l’ouvrage n’est donc pas tant sur l’étude en profondeur de projets, que sur leur mise en commun et leur situation dans une pratique architecturale en constante évolution. On restera quelque peu sur sa faim quant à la documentation graphique des projets présentés, notamment lorsque les descriptifs détaillent des décisions que les documents en présence ne permettent pas de visualiser. L’inventaire en ligne palliera ce manque, mais cette articulation intéressante des médias pourra sans doute se renforcer lors des éditions futures.

Enfin, pour enthousiasmantes que soient les démarches présentées, force est de constater le cadre souvent exceptionnel qui a rendu possible ces expériences isolées. Comment faciliter leur prolifération ? C’est le sujet du dernier essai, intitulé « Générer la qualité par le cadre », mais aussi de l’interpellation du comité de rédaction, qui a choisi d’introduire l’Inventaires #4 en rédigeant un véritable manifeste adressé aux pouvoirs publics, posant un ensemble de nécessités pour créer une culture architecturale et urbanistique (re)générative à la hauteur des enjeux auxquels nous faisons face. Beaucoup de ces revendications sont formulées de longue date, mais peinent encore à se traduire en actions. Sommes-nous, comme le dit Pierre Chabard à propos du rapport Meadows de 1972, «conscient·es, mais jusqu’à présent incapables» des changements nécessaires? Et, dans ce cas, « comment être architecte dans ces conditions?». L’Inventaires #4 ne saurait prétendre y répondre, mais il nous montrera le foisonnement et le tâtonnement encourageant des pratiques.