Enquête criminalistique d’un pavillon controversé

Après avoir extorqué Venise aux Autrichiens pour l’intégrer dans son propre « Royaume d’Italie », Napoléon Bonaparte entreprit immédiatement quelques grands travaux. Il fit notamment démolir de vieux monastères à Castello pour y aménager un parc, les « Giardini Publicci ». En 1895, une partie de ce parc fut privatisée pour la première biennale de Venise, qui se voulait être une vitrine de l’art en provenance de différents pays. Chacun construisit son propre pavillon. Ces pavillons – 28 au total – ont ultérieurement subi de nombreuses modifications ou ont été remplacés par des constructions neuves. Entre-temps, ce n’est plus possible : l’ensemble du site a été inscrit au patrimoine.
Ces pavillons et les Giardini ont donc une histoire longue et complexe. C’est ce qui a été le point de départ pour l’installation de l’artiste allemande Maria Eichhorn pour le pavillon allemand. Maria Eichhorn n’hésite pas à poser des gestes conceptuels forts. En 2016, elle fit fermer la Chisendale Gallery, un « espace sans but lucratif » à Londres, pour toute la durée de son exposition, en donnant des congés payés à toute l’équipe. À Venise, elle voulait aller encore plus loin en proposant tout simplement de démolir le Pavillon allemand pour restituer le parc aux Vénitiens, et rétablir par la même occasion le panorama sur la lagune. Comme ce n’était pas autorisé, elle a décidé de percer les sols et les murs pour montrer au public comment les nazis, en 1938, avaient transformé le Pavillon de Bavière pour en faire l’édifice qu’on connaît aujourd’hui. Son approche s’apparente à une enquête criminalistique.
Maria Eichhorn s’inscrit ainsi dans une longue tradition de critique du Pavillon. Son action a donc été à la base d’un magnifique catalogue qui vaut vraiment la peine d’être lu. Il se repenche sur les expositions qui se sont succédées dans le Pavillon depuis 2009, tout en déviant sur de passionnantes considérations sur la ville elle-même et ses relations avec la Biennale. Un véritable must pour les amoureux de la Ville des Doges !
« Auf Wasser gebaut / Der Deutsche Pavillon auf der Biennale Venedig », bilingue DE/EN, publiée par IFA / Schirmer-Mosel Verlag, Munich. ISBN 978-38-2960-953-1. Prix conseillé : 38 €