Publié le 06.03.2023 | Texte: Eloïse Perrillon | Photos: Stijn Bollaert

A+300 Start-Up Architecture

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La curiosité est un vilain défaut qui est parfois récompensé. À Molenbeek-Saint-Jean, le flâneur qui ose franchir le porche, volontairement laissé ouvert, de l’hôtel particulier du no 29 place de la Duchesse de Brabant pénètre dans un intérieur d’îlot singulier et fantaisiste. Un monde en soi minutieusement façonné par le bureau bruxellois Notan Office.

Au commencement, il y a un promoteur privé et une opération immobilière : transformer un site industriel à l’abandon en un complexe d’habitation. La parcelle, tout en longueur, est déjà densément bâtie. À l’avant, avec un hôtel particulier néo-classique gentiment décati donnant sur la place publique. À l’arrière, à l’intérieur de l’îlot, avec deux halles-entrepôts fragiles que seul un excès de romantisme aurait pu sauver. Dès lors, afin de rendre le site habitable et faire entrer la lumière, les architectes ont dû travailler par soustraction. Les entrepôts dans leurs grands volumes sont presque entièrement démolis pour laisser la place à un jardin arboré, sorte d’hortus conclusus d’intérieur d’îlot bordé par l’hôtel particulier qui sera, lui, conservé et rafraîchi. Puis, deux nouveaux bâtiments d’habitation sont construits le long des limites mitoyennes ; un premier immeuble de trois appartements, et un second abritant en réalité deux maisons unifamiliales. Par un dessin de plan simple, mais astucieux, les espaces servants de chaque logement sont relégués dans une épaisseur technique le long du mitoyen, laissant à tous les espaces de vie la possibilité d’embrasser au maximum le jardin collectif.

Sur une même parcelle, les architectes choisissent ainsi de faire cohabiter différentes époques et différentes typologies. Une diversité salvatrice dans la construction de la ville habilement gérée ici grâce à deux niveaux de lecture. Celui du collectif, du sol commun, matérialisé par le jardin partagé et les ateliers qui le jouxtent accessibles à tous les habitants. Celui du privé, qui s’exprime à travers l’identité forte propre à chacun des trois bâtiments ; et pourtant, ils se répondent.

En effet, la première impression qui se dégage, une fois le porche franchi, est celle d’être face à une architecture qui relève du collage. Formes, couleurs et textures juxtaposées. Des toitures en dents de scie, réminiscence du shed industriel, à moins que ce ne soit l’archétype balafré du pignon gothique. Une fenêtre ronde, un antique fronton en pierre, un escalier courbe en béton sans son garde-corps. Le rouge amarante et le vert. La brillance du carrelage à côté de la trivialité de la tôle fibro-ciment. Mais comme dans tout bon collage, il résulte de ces rencontres a priori fortuites une forme d’harmonie, poussée par la recherche d’un certain plaisir esthétique. Enchevêtrement d’époques aussi. La conservation de la façade du vieil entrepôt, le cheminement extérieur directement découpé dans l’ancienne dalle béton ou encore le portique qui sert maintenant, par un jeu de tirant, à soutenir le nouvel immeuble sont autant de curiosités qui forment un pont subtil entre passé et présent.

À l’intérieur, ce même jeu de contrastes. Matériaux bruts et éléments standards composent l’espace. Le bloc-ciment est laissé apparent, la structure bois vient s’empiler comme un jeu de Mécano. Un seuil en carrelage borde un parquet ; il s’inspire d’un dispositif existant et se décline dans chaque logement. Par petites touches de rouge et de vert, un code couleur s’installe entre les trois bâtiments. Matières, formes et teintes constituent un lexique dans lequel les architectes viennent piocher pour les assembler chaque fois de manière différente. Comme on compose une phrase. Une façon de construire des espaces qui génère une variété de situations et de points de vue. Chaque lieu a une identité propre, mais qui s’inscrit dans un tout. Cette nouvelle langue est ainsi faite de signes, d’indices comme un jeu de piste bien réglé. Quand on pense avoir déchiffré la pierre de Rosette, un élément disruptif entre en scène. Une poutre qui porte à l’envers, une toilette avec vue plongeante, ou encore une fenêtre pour le chat nous rappellent que l’architecture aussi peut faire preuve de second degré.

(…)

Architect Notan Office
Website notan-office.com
Project name Duchesse
Location Sint-Jans-Molenbeek (Brussels)

Programme Housing: transformation of a house and industrial halls in an ensemble of 8 units
Procedure Direct commission
Client Private

Structural engineering Forme et structure
Building physics Certiris
Lead contractor DF Bâtiment
Completion June 2022

Total floor area 1,100 m2
Budget € 1,700,000 (excl. VAT and fees)
Product/Supplier Renson (ventilation), Isover (roof insulation), Velux (roof windows)

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