Publié le 13.05.2020 | Texte: Norbert Nelles

Que reste-t-il des campagnes ? Entre le syndrome du village-dortoir, la tendance au village-gîte et le manque de diversité du point de vue des activités socio-économiques, on pourrait croire que la ruralité se réduit peu à peu à des flux au départ de maisons quatre-façades en direction des grands pôles urbains. Pourtant, l’échelle villageoise présente toutes les qualités pour être un laboratoire de la transition. De nouveaux acteurs sont déjà à l’œuvre, les architectes ayant aussi leur partition à jouer pour contribuer à rendre cohérence, identité, vie et dynamisme au milieu rural. 

État des lieux

Resté longtemps ignoré du monde de l’architecture et des médias spécialisés, le territoire rural connaît depuis quelques années un certain regain d’intérêt. Même si « depuis la fin des années 1970, les territoires situés hors des régions urbaines gagnent plus – ou perdent moins – d’habitants que les régions urbaines » (Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique, IWEPS), les difficultés pour amorcer son futur y restent cependant nombreuses. De plus en plus d’urbains rejoignent les villages avec parfois des navetteurs peu impliqués dans la vie sociale, renforçant le risque d’y voir apparaître les symptômes du village-dortoir. Les conséquences se mesurent dans la population des écoles rurales. Ainsi à Manhay, dans le nord de la province de Luxembourg et à proximité de la E25, la moitié des enfants ne sont pas scolarisés dans la commune. Par ailleurs, le surdimensionnement du plan de secteur, le zonage fonctionnel, la dispersion de l’habitat dans la périphérie, le long des voiries d’accès, la prolifération de gîtes dans les localités touristiques sont des questions particulièrement difficiles à résoudre et pénalisent le développement cohérent du village. Outre les conséquences sur son « image » et sur l’impact paysager, la logique du plan de secteur continue à encourager la villa quatre façades et contribue dans certains villages à en vider le cœur, ce qu’il est commun d’appeler l’« effet donut » dans les pays germanophones1. Manderfeld, à l’extrême est de la Belgique, en est un exemple marquant.

D’une manière générale, le monde rural éprouve des difficultés à continuer à produire des paysages contemporains et cohérents, à préserver un riche patrimoine bâti et ses terres agricoles, à produire une architecture de qualité. Son patrimoine pour le futur ! La redynamisation de ces territoires est un enjeu important. Cependant, étant donné son échelle, la possible implication et la proximité des habitants, le village pourrait être un laboratoire de la transition.

Pistes pour un changement de trajectoire

Faire renaître ou en tout cas y maintenir des activités économiques devrait y être une priorité. La diversification et le renouvellement de l’agriculture et de la sylviculture avec les nécessaires évolutions liées au réchauffement climatique sont au premier rang des préoccupations, mais aussi des potentialités. Un exemple intéressant est Malempré, qui, à l’initiative de quelques citoyens, a développé un réseau de chaleur à partir de la biomasse sèche-bois déchiqueté alimentant une petite soixantaine de bâtiments. Dans le même village, le fermier Vincent Sépult souhaite développer un projet de lait de foin2 évitant l’ensilage et l’apport d’aliments importés pour s’approcher de l’autonomie alimentaire pour le bétail. Sa crainte est de ne pas pouvoir disposer d’assez de terres pour y parvenir, celles-ci disparaissant inexorablement au profit de villas quatre façades. Préserver les terres agricoles, s’orienter vers une autonomie alimentaire : l’agriculture peut se renouveler, revenir à une échelle plus juste, encourager les circuits courts, comme le démontre notamment une nouvelle génération de maraîchers. Les ressources locales constituent également des pistes pour le développement de nouvelles filières. En Communauté germanophone3, un groupe de travail tente de dégager des pistes créatives autour du thème « Handwerk und Design »4.

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Nous vous invitons à écouter l’interview de Norbert Nelles, l’auteur de cet article, dans l’émission Façons de voir diffusée le jeudi 7 mai sur La Première dans Par Ouï dire .

1Henkel, Gerhard, « Rettet das Dorf!: Was jetzt zu tun ist, dtv Verlagsgesellschaft, München, 2016 et Gruber, Roland. Stärkt die Innenstädte », in domus 028, nov.-déc. 2017, Édition allemande, aheadmedia, Berlin, 2017.

2Signe officiel protégé, porté par une association d’éleveurs français, il garantit une production de lait sans aliment fermenté ni OGM, au plus proche de la nature, pour fournir un produit authentique, de qualité supérieure, de tradition, respectant environnement, humain et animal.

398 % du territoire est situé en commune rurale, selon la DGO3.

4Artisanat et design.

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