Norell/Rodhe
Fondé par Daniel Norell et Einar Rodhe à Stockholm en 2012, le bureau Norell/Rodhe a acquis une certaine notoriété en Suède, où la majorité de leurs projets, résidentiels et culturels, ont été réalisés. À l’échelle européenne, ils ont participé à plusieurs expositions collectives telles que la Triennale d’architecture d’Oslo de 2019 et la Biennale d’architecture de Venise de 2018. A+ Architecture in Belgium et Bozar ont le plaisir de les inviter pour une conférence à Bruxelles le 28 mars. À cette occasion, A+ s’est entretenu avec les architectes à propos de leur pratique architecturale.

A+ : Dans le contexte actuel de prise de conscience climatique, les questions qui traitent de durabilité sont passées au premier plan des préoccupations du secteur de la construction. Comment intégrez-vous la réutilisation au travers de vos projets ?
Daniel Norell (DN) : La réutilisation soulève une problématique intéressante pour l’architecture, car elle diffère du processus de conception typique, qui progresse en général de l’esquisse abstraite aux dessins d’exécution et à la spécification des matériaux à utiliser. La réutilisation renverse ce schéma puisque le point de départ de la conception est une bibliothèque finie d’éléments et de matériaux spécifiques. Le matériau passe alors avant l’espace.
Nous avons également noté un intérêt pour la réutilisation chez les historiens et théoriciens de l’architecture. La spolia, la réutilisation d’éléments de construction antiques au Moyen Âge, en est un exemple qui a influencé notre travail.
A+ : Votre projet Eldberget (la montagne de feu) illustre ce propos. Il semblerait que la vision de la réutilisation systématique et à grande échelle des bâtiments, des éléments et des matériaux de la ville arctique de Kiruna ne soit pas seulement motivée par des objectifs de durabilité. Pouvez-vous nous en dire plus à ce propos ?
Einar Rodhe (ER): En effet, les bâtiments que nous proposons à Tuolluvaara raconteront des histoires de la vieille ville de Kiruna qui, autrement, auraient disparu. Ils façonneront son identité dans de nouvelles configurations. Développé dans le cadre de l’initiative The New European Bauhaus, ce projet est une vision pour un nouveau quartier pensé autour de la mine désaffectée Tuolluvaara. Le fait que certaines parties de l’ancien centre-ville de Kiruna soient en cours de démolition crée une occasion unique de réutiliser des éléments et des matériaux de construction. Un nouveau quartier à petite échelle, entièrement construit à partir de ces matériaux réutilisés, prendra alors forme. Les habitants se réfèrent aujourd’hui à ces vieux bâtiments par des surnoms ; ces derniers font plus que certainement partie de la mémoire collective du lieu. Il nous semblait donc impératif d’établir des liens avec l’héritage culturel en place à travers diverses interventions. Et d’entrer en dialogue avec cette communauté, de manière à façonner avec elle de bons environnements de vie.


A+ : L’utilisation de formes et de proportions géométriques semble être un fil conducteur dans vos projets de logements individuels. S’agit-il d’un langage esthétique que vous recherchez spécifiquement ?
ER : Notre approche dépend directement du projet abordé, surtout quand il s’agit d’une intervention à composer avec une structure en place. On se documente beaucoup sur l’existant et les matériaux spécifiques impliqués pour ensuite commencer à retravailler et à réorganiser à partir de cela. Cette recherche devient le point de départ du projet. Ensuite intervient le jeu des proportions. Disons que cette approche nous permet de clarifier une structure existante en la rendant plus lisible.
DN : Nous essayons aussi souvent de jouer avec les proportions pour obtenir une sorte d’effet contre-intuitif. La composition en architecture permet un travail de proportions qui influence directement notre perception de l’espace. Par la magie des proportions, nous avons alors la possibilité, par exemple, de rendre monumentale une maison individuelle modeste.
ER : Un bon exemple de ce propos est le projet RR, qui s’efforce de paraître plus grand qu’il ne l’est. Cette maison d’été pour un jeune couple et leurs deux enfants s’implante à la périphérie de sa parcelle. Elle se concentre vers l’intérieur du site boisé pour se l’approprier, plutôt que de faire face à la vue sur le champ environnant. Le sentiment d’ordre qu’apporte le traitement de la façade principale, rythmée par des poteaux et des ouvertures géométriques, se relâche une fois que l’on entre dans la maison. L’intérieur de celle-ci est composé d’un long espace libre subdivisé par quatre masses mono-matérielles.
Le processus de réflexion n’est pas très différent de la façon dont nous avons réfléchi la mise en place de certaines expositions, comme des compositions d’objets disposés dans une sorte de structure architecturale.
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A+300 Start-Up Architecture
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