Publié le 05.10.2022 | Texte: Lisa De Visscher | Photos: Are Carlsen

Jusqu’au 30 octobre se déroule à Oslo la 8e Triennale d’Architecture sur le thème « Mission Neighbourhoods ». Plusieurs expositions braquent leur regard sur le quartier en tant que moteur d’évolutions sociales, écologiques et spatiales.

« Le terme “neighbourhood” (quartier, voisinage) implique la dimension à la fois sociale et physique de quelque chose qu’on partage », explique le Danois Christian Pagh, commissaire et directeur de la Triennale. « La pandémie de la COVID-19 nous a fait plus largement prendre conscience de l’importance de la qualité du voisinage. On constate une demande croissante d’environnements conviviaux, à échelle humaine, qui apportent une plus-value au-delà d’être des lieux où on dort, où on fait ses achats et d’où on a une connexion rapide vers la ville. Le terme lui-même renferme quelque chose de l’ordre de l’espoir : dans un bon voisinage, on ressent un sentiment de communauté et de partage du quotidien avec les autres ».

Contrairement aux éditions précédentes de la Triennale d’Oslo, « Mission Neighbourhoods » n’est pas une vitrine de projets du monde entier. Cette fois, Christian Pagh a décidé de se concentrer sur les pays scandinaves, à quelques exceptions près. Étant donné qu’ils présentent des problématiques similaires et très spécifiques, sensiblement différentes de celles qui mobilisent au niveau mondial telles que l’énergie et la migration, il fallait un espace à part pour présenter un focus particulier, un approfondissement et des interconnexions claires entre les différents projets. Quand on sait qu’une autre Triennale se déroule au même moment à Lisbonne, et des Biennales à Rotterdam et Tallin présentant plusieurs projets ou architectes portant sur le même matériel ou les mêmes thèmes, une approche plus locale et ciblée est un soulagement. Cet angle local est par ailleurs accompagnée d’une vision critique des évolutions récentes de la ville d’Oslo, où la Triennale constitue un levier pour interroger et conseiller pendant trois ans les gestionnaires de la ville et les promoteurs. Un cas concret fut le Musée Edward Munch, récemment inauguré : une tour de 60 m de haut conçue par le bureau espagnol Estudio Herreros, en bordure de fjord, à côté de l’opéra construit en 2008 par Snøhetta. Depuis cette époque, l’ancien musée Munch, Gamle Munch, qui se trouve excentré par rapport au centre-ville, est vide, et sa réaffectation fait l’objet de discussions animées. Christian Pagh est parvenu à convaincre la ville d’ouvrir le bâtiment pour y accueillir la Triennale d’Oslo et son exposition principale, en guise de premier test d’une future utilisation.

Cette exposition principale se compose d’une série de projets sélectionnés, regroupés en cinq familles : « Understanding Places » ou la qualité spatiale de l’espace (semi-)public, « Social Infrastructure » consacré à la ville en tant qu’espace de rencontre, « Our Streets » dédié à la mobilité et à la spécificité de la rue, « Naturehood » qui s’intéresse à la place de la nature (sauvage) dans la ville, et enfin « Reimagining Governance » qui présente des initiatives bottom-up, c’est-à-dire remontant de la base, qui font bouger les décideurs. Les projets présentés, bien que parfois modestes, sont pour la plupart réalisés et affichent un impact concret. C’est ainsi, par exemple, que le collectif CSAM, en collaboration avec White Arkitekter, Patch Hofweber et la ville suédoise de Malmö, a réussi à sauver de la démolition et d’une reconversion en habitat résidentiel le quartier post-industriel de Sofielund, à Malmö, qui était devenu de manière informelle un hot spot de la culture alternative et de l’industrie manufacturière. Cette conservation fut rendue possible grâce à l’introduction du concept de « noisy neighbourhood », qui prône le droit de « faire du bruit » et garde dès lors les nouvelles zones d’habitat littéralement à distance. Une salle entière est consacrée aux résultats des projets pour le nouveau quartier de Grønlikaia. Depuis que le port a quitté la ville il y a une quinzaine d’années pour s’installer dans une zone plus accessible du fjord, permettant un développement de tout le littoral, Oslo s’est véritablement métamorphosée. La ville possède à nouveau un accès à l’eau grâce à une promenade publique de plusieurs kilomètres le long de laquelle des plages, des appontements, des bâtiments publics et de nombreuses nouvelles habitations ont vu le jour. La ville avait élaboré un master plan pour tout le littoral, mais les procédures pour ses différentes zones n’étaient pas toujours exemplaires vu que les terrains ont souvent été vendus aux promoteurs très rapidement et sans beaucoup de conditions. Grønlikaia, dernière zone restant à développer – et quasiment la plus grande –, en tant que projet pilote pour un autre type de procédure, est un exemple de bonne gestion de projets, qui met la priorité sur la qualité spatiale et la maîtrise du climat.

Pour terminer la visite en beauté, l’ancien Musée Munch propose également une salle entièrement dédiée aux magnifiques dessins réalisés par Sir Peter Cook au cours de sa longue carrière, qui plonge ses racines à Oslo.

La Triennale occupe également le Musée de l’Architecture d’Oslo, où se déroule l’exposition « Coming into community » qui présente un panorama historique de différentes actions et formes d’habitat alternatives en Scandinavie, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, par et pour des personnes s’écartant du schéma classique de la famille nucléaire « papa-maman-enfants » et qui, pour cette raison, ont fait l’objet de discriminations sur le marché du logement pendant de nombreuses années. Le collectif suédois d’art et d’architecture Mycket y a métamorphosé le pavillon de Sverre Fehn en installation rendant hommage aux night-clubs de la culture queer.

Pendant encore un mois, la Triennale sera un laboratoire ouvert juxtaposant et mêlant la recherche active et l’exposition. Ou, selon les termes du commissaire Christian Pagh : « Notre objectif est de réunir les entrepreneurs, le monde académique, les architectes et d’autres professionnels ainsi que des citoyens engagés dans des discussions visant à explorer la réflexion, les initiatives, les projets et les méthodes qui contribuent à améliorer la qualité des voisinages ».

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