IN MEMORIAM
Bruno ALBERT (1941-2023)
Bruno Albert s’est éteint paisiblement le 14 août 2023 à presque 82 ans, dans la belle maison XVIIème siècle qu’il avait restaurée et transformée de façon exemplaire, dans le quartier du Mont Saint Martin à Liège. Il y habitait avec sa famille et y avait installé son bureau, qu’il a conduit jusqu’au terme de sa vie.
Né en 1941 à Mont (Malmédy), Bruno Albert est diplômé en architecture en 1966 à l’Institut Saint-Luc de Liège, après des études secondaires en menuiserie et travaux publics. Stagiaire et collaborateur de Charles Vandenhove jusqu’en 1970, après une brève association avec ses anciens condisciples Brevers et Vigneron (1969-1970), il ouvre son propre bureau en 1972, rejoint par son frère José qui le secondera toute sa vie.
Véritablement forgé par une foi inébranlable, dans toutes les acceptions du terme, il a pratiqué son travail d’architecte comme un sacerdoce, avec exigence et rigueur, mais aussi avec une sensibilité et une intuition toutes personnelles, à la recherche perpétuelle d’un absolu conciliant à la fois une forme d’extase spatiale, la justesse et la qualité constructive mais aussi une essence poétique indicible : dépouillement de la forme, simplicité des solutions, expression humble du matériau.
Plusieurs rencontres nourricières ont éclairé sa route ; l’architecte renommé Charles Vandenhove chez qui il a démarré sa pratique dans les meilleures conditions, l’ingénieur René Greisch qu’il a rencontré très tôt et avec qui il a mené maintes réflexions et projets en parfaite symbiose de pensée, le peintre Dan Van Severen qu’il a rencontré fin des années 80 et qui incarnait pour lui la quintessence de la démarche artistique.
Homme de convictions et d’intériorité, il aimait le silence, parlait peu, concentré sur son travail dans une forme de recherche entêtée, sereine et ascétique, se tenant éloigné des spéculations théoriques, de la reconnaissance médiatique et des débats d’actualité de la culture architecturale. Il laissait parler l’évidence du projet lui-même, confiant dans l’outil et le langage du dessin. Il avait fait sienne la maxime de Boileau « …Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage… » et a toujours travaillé de façon intimiste, aidé par une petite équipe.
Trois périodes se succèdent dans sa carrière, toutes marquées par la rigueur compositionnelle et constructive, la recherche de la qualité et de la beauté.
De 1966 à 1978, il conçoit principalement des maisons unifamiliales situées dans sa région natale. La maison Gazon-Nelles à Sourbrodt en 1967 et le pavillon Ledur à Ligneuville en 1973 sont représentatifs de l’évolution de son écriture.
La seconde période, entre 1978 et 1986, est ouverte par les projets plus importants réalisés pour l’Université de Liège : l’extension de l’Institut d’éducation physique de Charles Vandenhove (1978-84), le centre sportif et hôtel du Blanc Gravier (1982-85), mais aussi la salle de sports de l’Athénée de Verviers (1983), l’extension de l’Institut Technique N-D à Malmedy (1986), plusieurs agences bancaires BACOB (1983-1986), le siège des éditions Mardaga et de l’imprimerie Soledi à Liège (1986).
Deux expositions à Bruxelles (1985) et à Amsterdam (1986 ) ainsi que les contributions de Jan Bruggemans, Marc Dubois, Robert Trevisiol et Jo Coenen élargissent le champ d’intérêt pour son travail, et ouvrent la porte à de grands projets à Amsterdam (325 logements sur KNSM-Eiland 1992 et Miranda 1998), Maastricht (Cortile 1994-2002, Mosae Forum avec Jo Coenen 2007), Liège (école des HEC 1990-1994, Ilot st-Michel 1999), bureaux de l’Escale à Bierset (2022) et à le centre administratif de la ville de Bruxelles (Brucity, en a.m. avec A2Ai et Pierre Lallemand 2008-2022). En filigrane de ces projets de longue haleine, il réalise des habitations privées remarquables, en grande complicité avec les maitres d’ouvrage (maisons Herzet 1985, Mottard 1995, Delsemme 2003, Bohet 2014 à Esneux) et des projets patrimoniaux (couvent des Bénédictines à Liège).
Première photo:
Héritier d’une tradition à la fois classique et moderniste, le travail rigoureux et sensible de Bruno Albert contribue indéniablement à l’identité de l’école liégeoise, avec l’oeuvre de Charles Vandenhove. Par son enseignement de l’architecture à Liège, Hasselt et Mons, sa posture aura aussi marqué plusieurs générations d’architectes. Dans ses projets, il a régulièrement collaboré avec des artistes contemporains : Dan Van Severen, Léon Wuidar, Jean-Pierre Pincemin, Gérald Dederen, Florence Fréson et Narcisse Tordoir, récompensé par le prix Ianchelevici en 1996 pour la grille monumentale sur la place centrale du projet KNSM à Amsterdam. L’œuvre de Bruno Albert a été honorée notamment par le prix Baron Horta en 1992 (pour l’ensemble de son œuvre), le prix d’urbanisme de la Ville de Liège (pour le projet de l’école HEC, 1995) et le Grand Prix d’Architecture de Belgique en 1996 (pour l’ensemble de son œuvre).
Références bibliographiques :
- BEKAERT Geert, STRAUVEN Francis, La construction en Belgique 1945-1970, p 253, editeur : Confédération Nationale de la Construction, Bruxelles, 1971
- HILVERINK Henk, SMEETS Huub, ALBERT Bruno, BRUGGEMANS Jan, “Bruno Albert, céramique Sphinx, Cortile”, édition Vesteda architectuur, p 111+112, Maastricht, 2003
- Articles dans la revue A+ architecture n° 67, 90, 101, 126, 138, 146.
- BRUGGEMANS Jan, “La culture des Pays-Bas du sud s’exprime à nouveau à Amsterdam : un ensemble de logements conçus par Bruno Albert pour la KNSM à Amsterdam, A+126, p36-42, 1/1994
- Guide d’architecture moderne et contemporaine de Liège, éditeur : cellule architecture de la FWB, 2022 (notices A2, C16, E10, I24, I25, I26, I28, I29, J1, K6, K12 )
- Guide d’architecture moderne et contemporaine de Verviers, Spa, Ostbelgien, éditeur : cellule architecture de la FWB, 2022 (notices A20, E25, F51, G26, H22, H37, H62, H63, H80, H81, H87, I11) )
- Site Web : www.brunoalbert.be
Le travail de Bruno Albert a été publié dans le 90ème numéro de la revue A+ Architecture in Belgium. Consultez notre article.
À lire également
