Au service de la communauté

Chantal Dassonville a fait beaucoup de choses. Elle les a faites avec énergie et pugnacité. Elle a mis son tempérament, son engagement, son acharnement au service de l’intérêt public. Son départ à la retraite appelle à des réflexions sur le long trajet qu’elle a parcouru depuis 1985 et nous laisse des enseignements. L’importance d’identifier les opportunités d’un projet et d’associer tous les intervenants dès le départ. Cela peut sembler banal aujourd’hui, ce ne l’était pas dans les années 1980, 1990, 2000…. L’importance de considérer l’architecture comme une production culturelle et pas seulement comme un processus constructif, technique et budgétaire. L’importance de créer des outils qui évoluent avec les normes et avec le temps pour accompagner les maîtres d’ouvrages publics. L’importance de dessiner une politique en faveur de procédures adéquates où l’intérêt public prime sur tous les autres aspects. Les nombreuses réalisations produites lors de son mandat en témoignent. Dialoguer et se confronter avec les administrations et les réalités politiques aussi variées que disparates, ayant toujours l’énergie pour convaincre ses interlocuteurs que la recherche de qualité est payante.
La qualité n’est pas une question de goûts personnels ou de tendances, mais un processus de travail qui vise à rassembler les acteurs autour d’objectifs communs. La qualité commence quand on met à l’avant la dimension culturelle d’un projet public, que ce soit une salle de spectacle ou une école, un IPPJ ou une salle de sports. Chantal Dassonville s’est battue tout au long de sa carrière avec ces principes. Elle a réussi à les rendre incontournables et à les mettre à l’avant dans des contextes internationaux où les réseaux qu’elle a intégrés, ont pu bénéficier de ses démarches et de ses idées.
Si on peut la célébrer pour ses nombreux mérites et ses initiatives, il me semble important souligner un aspect qui a caractérisé ses mandats. Elle a toujours fait en sorte de mettre en valeur des jeunes sans beaucoup d’expérience, prenant des risques, défendant des initiatives et des idées parfois inhabituelles ou trop en avance sur son temps, sans faire de pas en arrière mais en négociant quand c’était nécessaire pour arriver à matérialiser leurs projets. Les installations de la Communauté française dans le pavillon de la Belgique pour la Biennale de Venise témoignent de cette dynamique et les nombreux bâtiments publics réalisés ont souvent été les déclencheurs de carrières de bureaux émergents.
Soutenir des idées même quand elles doivent encore prendre forme et ne peuvent être précisées dans les détails, les accompagner jusqu’à leur concrétisation a confirmé sa capacité de maîtrise, dans tous les sens du terme. Et elle a construit une crédibilité et une force reconnaissable, voir rassurante, pour l’ensemble des acteurs, que ce soit pour un bâtiment, une exposition, une publication ou un décret.
Elle a mené un travail remarquable pour introduire et faire accepter le principe des mises en concurrence, où l’on va choisir des équipes de projets et la qualité de leurs propositions sans se limiter à ne regarder que les budgets. Sachant qu’en architecture tout peut changer rapidement. Les projets évoluent, tout comme les ambitions des maîtres d’ouvrage et les moyens financiers disponibles. L’outil mis en place pour les appels des marchés publics a donné aux administrations francophones de ce pays la possibilité de choisir en mettant d’accord toutes les parties concernées, bourgmestres, utilisateurs, administrations, architectes et bien sûr, les publics.
Femme d’idées et de convictions, elle a mené de nombreuses batailles pour que l’architecture publique puisse reprendre la place qu’elle doit occuper. Ainsi elle a promu de nombreuses initiatives éditoriales, comme les « Inventaires », les « Guides », la collection « Visions », etc. et soutenu des actions pour valoriser sa communauté et son pays. En faisant ainsi connaître et reconnaître l’architecture de la Belgique francophone.
Avant de terminer son mandat, elle a encore une fois lancé un chantier ambitieux pour faire émerger la Wallonie et ses talents. La création du rôle du Maître Architecte pour la Région wallonne. Des instances du monde professionnel wallon n’ont pas encore saisi les avantages de ce genre de rôle qui permet une gestion inclusive et exigeante de l’architecture publique tout en stimulant l’entreprise privée à s’améliorer. Mais la démarche est lancée. Questions de temps et de patience.
Maintenant que Chantal Dassonville part à la retraite elle laisse derrière elle la « Cellule architecture » qu’elle a constituée en 2007. Organisée et compétente, expérimentée et dynamique, notre mission est de la soutenir pour garder au centre l’intérêt de la collectivité, de la mission publique, de l’architecture. Acte politique, culturel et citoyen.