Publié le 22.05.2018 | Texte: Gitte Van den Bergh

La première édition du Festival And& s’est déroulée du 2 au 5 mai derniers. Objectif de cette initiative de Leuven MindGate et ses partenaires : conjuguer santé, high-tech et créativité. En partant du slogan « We curate for the curious », le commissaire Pieter Goiris voulait avant tout faire réfléchir les gens, avec un ambitieux programme de conférences, interventions et happenings musicaux. Cette première édition était axée autour du thème de la vie dans la ville de demain, et en particulier l’impact du numérique et de la technologie sur la ville et la société.

En tant qu’amateurs d’architecture, cette intention du festival de faire sortir le public de ses habitudes, nous l’avons expérimentée en assistant le jeudi après-midi à la séance « We are still human after all ». Avant la conférence de Shigeru Ban, nous avons été plongés dans l’œuvre de Lucy McRae, connue comme body architect et scifi artist. Elle traite d’idées futuristes sur la faculté à programmer la biologie et la santé, ou de « Que se passerait-il, par exemple, si nous mangions la technologie ? ».

C’est pour le regard innovant qu’il porte sur l’architecture et la société que Shigeru Ban, lauréat du Pritzker Prize 2014, avait gagné sa place pour le festival. Son travail montre comment l’architecture, avec des structures et interventions intelligentes, peut jouer un rôle important pour répondre aux questions qui émergent dans le cadre de la ville de demain. Dans sa conférence intitulée « En quête d’équilibre, d’architecture et de travaux humanitaires », il parle d’une part de son travail plus ancien et de la manière dont cela l’a mené à ses projets architecturaux actuels, de plus grande ampleur, tels que le Mount Fuji World Heritage Centre. D’autre part, il traite abondamment de ce qu’il appelle les « disaster projects », les interventions mises sur pied de manière rapide et flexible après les catastrophes humanitaires. Le fil rouge de son œuvre, ce sont des tubes de carton qu’il utilise pour les logements d’urgence, mais aussi, par exemple, pour des classes provisoires, une salle de concert, ou une cathédrale à Kobe (Japon).

And& entend également insuffler dans le festival l’esprit de la ville, avec des activités se déroulant à la fois en journée et en soirée. Outre ces activités, il y a aussi quatre interventions artistiques à voir dans divers endroits de Louvain, qui renforcent encore ce sentiment. L’architecte néerlandais Samir Bantal, directeur d’AMO (le studio de recherche et conception au sein d’OMA) a accepté la fonction de commissaire de cet événement. Le thème du festival est en lien avec sa propre recherche consacrée aux échanges entre la ville et la campagne, qui fera l’objet d’une exposition à New York à l’automne 2019.

Pour l’occasion, AMO a transformé l’ancienne chaufferie à Sint-Maartensdal en un gigantesque temple de DONNÉES baptisé HALO. Au cœur du quartier, la forme architecturale spécifique de la haute tour conçue à l’origine par Renaat Braem éclaire sur la fonction importante de l’édifice : chauffer toutes les habitations du quartier. AMO fait de la salle des machines un espace hypothétique d’adoration, une nouvelle typologie dans notre ville de demain. Ce faisant, HALO s’interroge sur la place que nous devons donner dans la ville à nos besoins numériques croissants et aux techniques qu’ils requièrent.

Outre l’intervention d’AMO, Bantal a demandé à trois artistes et créateurs de réagir à la ville qui, à son tour, est en permanence influencée par les changements apportés par le numérique. « S’agissant d’innovation, nous avons intérêt à être critiques », déclare-t-il. L’artiste Dries Depoorter a installé sur la Martelarenplein un ‘Surveillance speaker’, un haut-parleur qui, au-delà d’observer, répète également à voix haute ce qu’il enregistre. Harry Nuriev, quant à lui, propose quatre robots nettoyeurs installés sur de grandes sculptures transparentes – des robots que nous faisons entrer dans nos maisons et qui collectent de plus en plus de données. Son propos est que personne n’est à l’abri du changement, mais qu’on peut également trouver de la beauté dans cette perte de contrôle.

Et enfin, Studio LA embarque l’historique impasse du Hanengang dans une folie en miroir : l’installation ‘Mirror, mirror, on the wall, who’s the fairest of them all’ mise sur l’expérience d’une ‘auto-réflexion’. L’œuvre mise sur le sentiment d’être observé en permanence – un élément encore renforcé par l’évolution et la croissance du numérique et de la technologie. Nous regardons-nous encore ? Voyons-nous encore qui nous sommes et les différentes identités que nous avons ?

Pendant quatre jours et quatre nuits, par un mix de disciplines se fertilisant l’une l’autre, de conférenciers belges et internationaux, le festival And& fut une plate-forme d’étude de l’impact de l’innovation sur la vie urbaine. « Ce festival ne doit pas être un événement unique ; il doit être un point de départ pour de nouveaux plans, idées ou réseaux », précise le président Peter Goiris. Après l’édition très prometteuse de cette année, on attend impatiemment la prochaine, en 2020.

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